Nourrir, nourriture, nourrice, nourrissant, la même racine s'étend au NOURRISSON, celui qui, justement, ne peut pas se nourrir seul.
Cette particularité du petit d'Homme, ajoutée à son incapacité de marcher, le place, pendant quelques temps dans une dépendance totale de sa mère, si elle allaite, ou de son père et de sa mère. A l'inverse, la mère se trouve dans une responsabilité totale de la survie de son enfant et de son développement. Lourde, trop lourde pour certaines, insupportable pour d'autres.
le lait sera-t-il suffisant, assez bon, assez nourrissant, assez longtemps? le lait en poudre sera-t-il le meilleur pour lui ? interrogations, peurs, doutes, angoisses peuvent être au rendez-vous de ces premiers échanges vitaux avec un bébé qui est un inconnu qu'il faut découvrir, dont il faut comprendre les signes, auquel il faut s'adapter doucement. Et demande-t-il toujours à manger quand il pleure ? et le père qui s'en mêle, et la grand-mère qui donne son avis...
L'allaitement ne va pas de soi. Il a toujours été encadré par la culture qui dit parfois que c'est mieux et parfois qu'on peut faire autrement sans problème.
Aujourd'hui, l'allaitement peut et doit être un choix personnel qui nécessite de pouvoir envisager sans trop de souci, de donner encore un peu de son corps, de supporter une grande proximité corporelle, de se laisser un peu "dévorer, de partager son sein entre nutrition et sexualité, toutes choses qui nous ramènent à nos structures les plus archaïques qui trouvent là matière à se révéler et à se manifester, parfois bruyamment !
Nourrir son enfant, c'est aussi la phase suivante dans un mouvement contraire. Cet enfant qu'on a tenu contre soi et tout à soi, voilà qu'il peut et exige de se tenir plus à l'écart et de manger tout seul. Ce passage où la mère lâche un peu son enfant et lui concède un début d'autonomie peut être source de difficultés et de tensions entre la mère et l'enfant, et plus largement dans le couple et la famille.
Pour l'enfant plus grand qui mange tout seul, les difficultés sont ailleurs : faire respecter le rythme des repas, choisir ce qu'on lui donne à manger, faire accepter une nourriture variée. ET BON COURAGE ! car aujourd'hui les pressions sont très grandes et peuvent déboussoler les mères les mieux boussolées !!! trop de viande, pas assez de légumes, fruits à volonté, aliments bio, conseils des médecins, conseils des nutritionnistes, peur de l'obésité, de l'anorexie, de la boulimie, dictature de la minceur... il y a de quoi oublier le raisonnable : manger un peu de tout, modérément et pas n'importe quand.
Il y aussi de quoi oublier l'essentiel : manger, se nourrir, ce n'est pas seulement avaler des aliments, même excellents. C'est aussi une relation qui se noue entre celui qui prépare à manger et celui qui mange. Dans cette relation passe autre chose que des calories. ça peut être du plaisir partagé, mais aussi de l'opposition à certains moments. Dans notre culture, nourrir, se nourrir, c'est faire la cuisine et partager le repas, c'est transmettre une cuisine familiale, c'est se retrouver, c'est être ensemble, parler, échanger.
La façon de manger est révélateur de chaque individu et de chaque famille.